Caractéristiques
- réalisateur : Gabriela Pichler
- année de production : 2012
- date de sortie : 19 juin 2013
- durée : 104 minutes
- pays : Suède
- N° de visa : 137 206
- festivals : Festival Premiers Plans Angers 2013 Grand prix – Festival de Venise 2012 Semaine de la critique Prix du public.
Synopsis
Une fillette se retrouve seule avec sa tante immature pendant que sa famille participe à une mission humanitaire en Afrique.
Par un ingénieux stratagème, elle parvient à éloigner sa tante et reste seule maîtresse dans sa maison isolée à la campagne. Durant ces quelques jours de solitude, la jeune fille expérimente l’amitié décevante, l’éveil du corps et des sensations inconnues allant de la tendresse à l’inconsolable tristesse. Au retour de ses parents, la fillette est devenue une adolescente.
Revue de presse
La Croix
Salué l’an dernier à la Mostra de Venise, où le film a obtenu le Prix du Public de la Semaine internationale de la critique, auréolé de quatre « Guldbagge » (l’équivalent suédois de nos Césars), Grand Prix du jury et Prix d’interprétation féminine au dernier festival Premiers Plans d’Angers – qui repère avec flair les futurs talents
européens –, Eat, sleep, die est un film à voir. Et pas seulement en raison de cette pluie de récompenses méritées.
La triste fatalité que le titre évoque (en français : « Manger, dormir, mourir ») ne doit pas détourner le spectateur de cette oeuvre originale et forte, interprétée avec justesse et énergie, qui prend à rebours bien des idées préconçues.
Il y a bien sûr quelque chose d’éminemment personnel dans ce premier long-métrage, tourné par une jeune cinéaste suédoise, née dans une banlieue défavorisée de Stockholm de parents originaires d’Autriche et de Bosnie. Gabriela Pichler, 33 ans, a travaillé dans une biscuiterie avant d’entamer ses études de cinéma.
Après six courts-métrages, elle propose avec ce film le portrait d’une jeune fille musulmane originaire des Balkans, employée dans une usine de conditionnement de salades et vivant seule avec son père, ouvrier du bâtiment fragilisé par des problèmes de santé.
Corpulente, peu gracieuse, vêtue d’un jogging, honnête et travailleuse, Rasa se contente de cette vie, jouant les garçons manqués auprès du père complice ou traînant à vélo aux abords de la petite ville en compagnie d’un frêle garçon de son âge. Lorsqu’elle apprend que l’usine doit licencier pour survivre, cette existence de peu vacille. Omettant de prévenir son père parti gagner quelques sous sur un chantier en Norvège, elle s’engouffre dans le désoeuvrement avant de s’intégrer, avec d’autres, à un stage de remotivation destiné aux chômeurs.
Filmant une relation père-fille rarement décrite de cette manière au cinéma, Gabriela Pichler offre aussi dans Eat, sleep, die un portrait inattendu de la Suède contemporaine, terre d’exil qui tente de rester fidèle à sa réputation, mais doit faire face, elle aussi, aux difficultés sociales d’une Europe en crise. Ancré au sein de cette communauté immigrée, le film pose un autre regard sur le « modèle » suédois et évoque avec sensibilité le traumatisme que représente, pour cette jeune femme, la nécessité de s’éloigner de sa petite ville, et des siens, pour suivre une formation.
À partir de petits rien, la prometteuse Gabriela Pichler signe une première oeuvre intense et grave, attentive aux plus humbles.
Arnaud SCHWARTZ
Le Journal du Dimanche
Suédoise musulmane d’origine balkanique, Rasa est une ouvrière exemplaire et pleine de vie, qui se bat avec d’autant plus d’ardeur que son père vieillissant est à sa charge. Victime d’un plan social, la voilà au bord de la crise de nerfs…
Sur le mode du réalisme documentaire sans concession, caméra à l’épaule, ce portrait d’une jeune travailleuse volontaire impressionne par la qualité de ses interprètes ainsi que par l’acuité de son état des lieux d’une société suédoise moins clémente qu’il n’y paraît. Mais où la jeune héroïne nous offre une leçon de vie et
d’espoir.
Alexis Campion
Première
Jeune ouvrière consciencieuse d’origine bosniaque, Rasa se retrouve au chômage à la suite d’un plan social. Avec un père à charge, sa vie va prendre une tournure difficile. Impossible de ne pas établir de correspondances avec Rosetta, tant ce premier long métrage lui ressemble : une héroïne volontaire, tête baissée et regard sévère, se débat pour survivre dans un milieu hostile. Comme dans le film des frères Dardenne, les liens émouvants que Rasa tisse avec son entourage prennent finalement le pas sur un discours social qui fait office de puissant révélateur.
Christophe Narbonne
Studio Ciné Live
Comment parler de la crise que nous vivons de plus en plus durement? Pour son premier long, la Suédoise Gabriela Pichler a trouvé le ton juste. Celui de l’humour noir mais chaleureux. Son héroïne (Nermina Lukac, impressionnante) est une jeune
immigrante d’Europe de l’Est qui, mise à la porte de son usine, part à la recherche d’un nouveau travail. Dans cette Suède, vue comme un Eldorado en terme de politique d’emploi, ce chemin de croix a valeur de signal d’alarme d’autant plus audible qu’il use de l’absurde pour faire passer son message.
Thierry Chèze
Les Inrockuptibles
Les tribulations d’une ouvrière musulmane en Suède filmées avec empathie.
Cette chronique du combat de Rasa, jeune Suédoise musulmane née en ex-Yougoslavie (comme la mère de Gabriela Pichler, la réalisatrice), pour préserver son emploi, n’a rien à envier à certaines oeuvres de Ken Loach ou des frères Dardenne. Mais contrairement à ces modèles, Eat Sleep Die n’est pas mélodramatique. Cela rend le tableau encore plus vrai. Rasa emballe des légumes dans l’usine d’une petite ville ; la direction annonce des licenciements. Parallèlement, le père de Rasa, chez qui elle vit, part travailler en Norvège…
Tout le film repose sur les épaules de l’excellente comédienne amateur Nermina Lukac, dont l’énergie communicative constitue la moitié de la réussite du film. Personnage romanesque qui par sa seule présence fait advenir et transmute le réel, Rasa est une battante, comme certaines héroïnes des Dardenne. Fort heureusement, l’histoire ne reste pas en vase clos et se complète par le tableau de la petite ville, à mille lieues de la légende du miracle suédois – un pur cliché journalistique, ce film en est la preuve. Il tombe à pic pour expliquer le type de malaise (emploi, immigration) qui a entraîné il y a peu en Suède des émeutes
urbaines rappelant celles de contrées plus turbulentes (France, Grande-Bretagne).
Loin du pays de cocagne des meubles en bois blanc et du socialisme policé, Eat Sleep Die offre un constat nuancé sur un climat social qui transparaissait déjà dans les nouveaux polars suédois (de Morse à Millénium), excellents révélateurs de l’ambiance du pays. Le contraste entre la réalité et le cliché est particulièrement éloquent dans la séquence du Pôle emploi local, où l’on projette aux chômeurs un riant publireportage sur la ville de Malmö, où ils risquent d’être délocalisés. La Suède du film ressemble plus à un quelconque pays de l’Est qu’au paradis social-démocrate. Gabriela Pichler a pleinement rempli son programme : “Réaliser un film non sentimental et honnête sur les gens de la classe ouvrière, sans avoir à céder aux conventions ni aux stéréotypes.” CQFD.
Vincent Ostria
Télérama
Rasa est la plus rapide. La plus efficace. Dans l’usine d’emballage de salades où elle travaille à la chaîne, la jeune femme bat des records de cadence. Elle mène sa vie sur le même rythme, en fonceuse. Fait tourner, seule, le petit foyer qu’elle partage avec son père, immigré des Balkans au corps brisé par le travail. Son élan
se casse le jour où elle est licenciée.
« Je voulais faire un film sur les gens que j’ai toujours aimés mais dont j’ai parfois eu honte de faire partie. » Pour son premier film, Gabriela Pichler se souvient d’où elle vient. D’une banlieue de Stockholm et de la fabrique de biscuits du coin : l’envers du modèle social-démocrate longtemps vanté en Europe. Entre vague campagne et petits bourgs vivotants, la Suède d’Eat, sleep, die est celle d’une classe ouvrière qui mêle jeunes pauvres venus d’ailleurs et « seniors » du cru au bout du rouleau. La boue remplace la neige, et la violence sociale, le progressisme d’avant la crise.
Le film trouve le ton juste entre un naturalisme brut, rageur, et des séquences plus méditatives : Rasa, juchée sur son vélo, traînant son spleen dans des aires de jeux désaffectées ou des fêtes foraines sans entrain. Incarnée par une actrice non
professionnelle, cette Rosetta suédoise, au physique aussi ingrat qu’envoûtant et à l’énergie d’ogresse, est une vraie héroïne prolo.
Mathilde Blottière