Caractéristiques
- réalisateur : Rigoberto Perezcano
- année de production : 2009
- date de sortie : 21 juillet 2010
- durée : 94 minutes
- pays : Mexique
- festivals : Festival de Marrakech 2009 Etoile d’or meilleur film – Festival de Rotterdam 2010 sélection officielle – Festival de Toronto 2009 sélection officielle.
Synopsis
Originaire de la province de Oaxaca au sud du Mexique, Andres, un jeune fermier rêve, comme nombre de ses compatriotes, de traverser la frontière qui le sépare de l’Eldorado américain.
Mais, à chaque fois, le désert, la soif et surtout les gardes-frontières l’en empêchent. De retour à Tijuana après un premier échec, il entre au service d’Ela, qui tient une petite épicerie avec l’aide de Cata, son employée. Sans pour autant perdre de vue son objectif, il se lie d’amitié avec les deux femmes.
Au moment où il est prêt à renoncer à son rêve, l’appel du Nord se fait ressentir à nouveau. Il échafaude alors avec leur aide, un plan des plus surréalistes afin de réaliser une ultime tentative…
Revue de presse
Les Inrockuptibles
Le cinéaste mexicain signe un western où la police des frontières remplace les cow-boys. Tout en tact et en finesse.
Avec des noms comme Iñárritu ou Reygadas, le cinéma mexicain affiche une assez belle santé artistique, si l’on en juge par les récents et excellents Parque vía d’Enrique Rivero ou Année bissextile de Michael Rowe (Caméra d’Or 2010).
A son tour, un certain Rigoberto Pérezcano apporte sa pierre à cette cinématographie indépendante qui semble se déployer à l’ombre des sombreros, scrutant la société et explorant les formes.
Norteado appartient au sous-genre du “film de frontière”. L’action se passe à Tijuana, où la frontière n’est pas une abstraction mais une ligne de séparation bien concrète, matérialisée par les habituels postes de douanes et surtout par un mur de béton serpentant sur des centaines de kilomètres.
Certains des plans les plus saisissants du film montrent l’alignement de pavillons et de jardins le long de ce mur?: d’un côté, la vie difficile sinon la misère, de l’autre, à un mètre, la promesse de l’eldorado. Andres cherche justement à passer durablement cette frontière, par n’importe quel moyen. Il y parvient souvent, mais se voit systématiquement refoulé. La ville-étape de Tijuana se transforme ainsi en zone de transit prolongé.
La vie provisoire à Tijuana n’est pas si horrible pour Andres, bien qu’il y soit déjà en situation de relatif exil puisqu’il est originaire d’Oaxaca, dans le sud du pays. Le jeune homme a trouvé gîte et petit boulot dans l’épicerie d’Ela et Cata.
L’une est d’âge mur, mais encore désirable et dési-rante. L’autre, sexy mais timide, pourrait être sa fille. Entre les trois circulent le désir, l’attirance, la jalousie.
Pérezcano traite son histoire avec beaucoup de précision, de tact, de patience, de finesse psychologique. Les plans durent le temps nécessaire, le montage est ample, les dia-logues parcimonieux.
Le réalisateur maintient un bel équilibre entre l’intime et le sociétal, une juste tension entre les relations humaines, sexuelles, sentimentales, et le contexte politique de cette zone frontière “nord-sud”. Dans la dernière partie du film, on ne sait plus trop si Andres rêve toujours de passer au nord où s’il ne préférerait pas rester avec Ela et Cata. Il s’est attaché à ce qui était au départ envisagé comme provisoire.
Norteado, c’est un western contemporain où la police des frontières remplace les cow-boys, alors que les Latinos succèdent aux Indiens et que les tenanciers du saloon sont des femmes.
Le conflit central du western y est inversé ? : aujourd’hui, ce sont les “Indiens” qui émigrent et les “cow-boys” qui entendent défendre leur territoire et chasser les nouveaux arrivants. La vision de la question de l’émigration y est subtile ? : partir de chez soi, c’est à la fois un projet vital et un arrachement, semble dire Pérezcano.
Norteado suggère aussi cette belle ou inconfortable idée ? : parfois, on ne choisit pas sa vie, c’est elle qui vous dirige.
Serge Kaganski
Télérama
Après Sin nombre et Padre Nuestro, voici une nouvelle fiction très documentée – une de plus – sur l’immigration clandestine des Latino – Américains aux Etats-Unis. Norteado se distingue par un récit habile qui tantôt dilate le temps (l’attente et les gestes du quotidien filmés dans la durée), tantôt l’accélère via des ellipses inattendues. On apprécie également l’humour noir du réalisateur, notamment dans ce gag récurrent du héros qui, après chaque tentative ratée de passage de la frontière, se retrouve dans une salle d’accueil de la police sous les photos de George W. Bush et d’Arnold Schwarzenegger. Dommage que les relations amoureuses entre le péon mexicain et les deux femmes qui l’hébergent dans leur épicerie de Tijuana, la ville-frontière, soient aussi prévisibles…
Samuel Douhaire
Studio Ciné Live
La vie en suspens et en suspense d’un candidat à l’exil. Quelques mois après le remarquable Sin nombre (de Cary Fukunaga, sorti en novembre) l’immigration clandestine mexicaine vers le prétendu Eldorado américain est de nouveau au coeur d’un premier film. Posté dans la sulfureuse Tijuana, le héros multiplie les tentatives de franchissement de frontière. On retrouve ici ce parfait équilibre entre fiction et documentaire qui permet de retranscrire, sans forcer le trait, le sentiment d’insécurité mêlé d’espoir qui anime ce candidat à l’exil et ce d’autant plus qu’il va se retrouver le jouet de la rivalité entre deux femmes jalouses éprises de lui. Un suspense prenant et d’une profonde humanité.
Thierry Chèze
Le Monde
Ce principe de répétition minimaliste qui gouverne le film ne fait pas seulement son charme. Il y introduit une belle réflexion sur le désir de liberté des hommes, qu’aucune frontière au monde ne saurait empêcher d’accomplir. Le remarquable final du film, ultime stratagème de passage dont on ne soufflera mot, mettra sur ce point tout le monde d’accord, avec une tristesse et une joie infinies.
Jacques Mandelbaum
Première
Pas de discours moralisateur asséné ici, juste le parcours d’un Sisyphe latino coincé à Tijuana, purgatoire entre deux enfers, chacun à leur manière. Pérezcano prend par ailleurs le parti de rire de la situation. Un rire jaune, certes, mais suffisamment présent pour que l’on comprenne que l’on n’est ni chez les Dardenne ni chez Iñárritu mais plutôt dans une zone franche où la question « Comment faire pour vivre ensemble ? » peut être débattue sans brutalité ni pathos. Si Norteado se perd de temps à autre dans des ramifications sentimentales dignes d’une telenovela, la belle simplicité avec laquelle il pose sur le tapis certains enjeux épate, quand elle ne provoque pas une adhésion définitive à ce drôle de film, entre feel-good movie et tribune politique décomplexée.
Alex Masson
Libération
«Norteado» ou le Sud déboussolé
La première fiction de Pérezcano s’ancre dans les rêves d’exil du Mexique.
Voilà de nombreuses années que le cinéma mexicain est traversé en permanence par la problématique de l’exil massif et du déracinement. Le contraire serait incompréhensible au regard des centaines de milliers de candidats au passage clandestin aux Etats-Unis chaque année. Il y a ceux qui réussissent et ceux qui sont refoulés, errant, poussiéreux et affamés, dans les rues des villes frontalières en attendant de recommencer à la première occasion. Sans oublier les morts et les disparus, les moyens logistiques effarants de la police de l’immigration, les milices privées ouvertement racistes qui «protègent» la frontière ou le mur, construit sur des centaines de kilomètres par l’administration Bush, sans que tout cela ne parvienne à décourager qui que ce soit.
Pour sa première fiction, Rigoberto Pérezcano s’est inspiré de son expérience de documentariste, signant un film mêlant adroitement les prises de vue de clandestins rivalisant de ruse et de courage pour passer de l’autre côté et la description intimiste d’un petit monde qui, à bien des égards, représente l’obsession humiliante de tout un pays. Andrés, le héros de cette histoire, est un paysan d’Oaxaca chassé par la misère, tentant de traverser la frontière aux alentours de Tijuana, vaste agglomération touchant San Diego, à l’extrême sud de la Californie. Toutefois, plutôt que la litanie des échecs subis par Andrés, Pérezcano a choisi de montrer l’autre face de cette ville symbole. Un quartier tranquille, loin de l’effervescence touristique et des bars à putes, où le malheureux a trouvé asile dans une épicerie tenue par deux femmes. L’une n’est plus toute jeune et considère ce pauvre bougre comme quelque chose entre un fils providentiel et un amant potentiel. Elle lui donne de quoi manger, de quoi dormir et même un peu de travail. L’autre, jeune et jolie, lui est en revanche franchement hostile. Pas besoin de longues explications pour comprendre qu’elle refuse de s’attacher, une fois encore, à quelqu’un qui va bien finir par partir un jour.
Il ne fait aucun doute que le cinéaste a cherché à défendre le rêve d’un Mexique où l’exil ne constituerait pas l’unique option d’une classe sociale déboussolée. Mais, comme dans tout rêve, surtout les plus réalistes, il fait surtout la démonstration de son caractère utopique. Car la vision idéaliste d’une pauvreté finalement acceptable, à condition d’être partagée, ne résiste pas à la résignation d’un Andrés qui, en dépit de tout et même du délicat bonheur miraculeusement trouvé sur sa route, doit partir et passer de l’autre côté.
Bruno Icher
Télé Ciné Obs
Sur un sujet mille fois rebattu – le rêve des migrants mexicains : passer au Nord, entrer aux Etats-Unis – voici un petit film qui sort des sentiers battus. Loin des clichés habituels, Rigoberto Perezcano, dont c’est le premier long-métrage, décrit le cheminement d’un petit gars qui se heurte à une frontière, presque impénétrable, et qui trouve, sur sa route, deux femmes qui lui tendent la main… Simple histoire de bonté quotidienne, minuscule aventure humaine, mais tellement universelle. La nouvelle vague du cinéma mexicain, décidément, nous offre quelques jolies découvertes, ces derniers temps. Nouvelle vague latino ? On l’espère.
François Forestier
Les Cahiers du Cinéma
“Cette spécificité se marie à merveille avec les silences, les regards et les gestes qui sont ici privilégiés au détriment des dialogues.
Nicolas Azalbert