Caractéristiques
- réalisateur : Enrique Rivero
- année de production : 2008
- date de sortie : 8 juillet 2009
- durée : 86 minutes
- pays : Mexique
- festivals : Festival de Locarno 2008 Léopard d’Or – Festival des 3 continents Nantes 2008 Montgolfière d’Or
Synopsis
Gardien d’une luxueuse demeure à Mexico, Beto, un vieil “indio”, occupe seul les lieux vides dans l’attente que la maison soit vendue. Ses contacts avec l’extérieur se résument à la propriétaire qui vient inspecter son travail de maintenance et Lupe, une prostituée, qu’il paye une fois par semaine pour un peu de compagnie. Muré dans sa solitude parfois interrompue par les visites d’acheteurs, Beto vit comme un reclus, coupé de l’industrieuse ville de Mexico, un monde bondé et angoissant. Une simple visite au marché se transforme en un véritable supplice. Pour lui, la télévision constitue l’unique fenêtre sur le monde extérieur, même si la teneur des nouvelles ne change jamais : manifestations noyées dans le sang, meurtres crapuleux, guerres ignobles. Mais le gardien doit quitter la maison lorsque celle-ci est vendue. Malgré les efforts de son ancienne patronne pour lui trouver un nouvel emploi, il craint de ne pas pouvoir travailler au-dehors, habitué pendant plus de dix ans à vivre dans cet espace confiné.
Revue de presse
Le Monde
Parque Via se rattache de manière explicite à l’univers de ce jeune cinéma mexicain bourré de talent et de promesses, marqué par sa noirceur, ses préoccupations sociales, et sa rage qui confine au surréalisme.
Jacques Mandelbaum
Télérama
Une recrue de plus pour la nouvelle vague mexicaine : Enrique Rivero s’inscrit dans la mouvance – radicale – dont les figures de proue sont Carlos Reygadas (Bataille dans le ciel) et Amat Escalante (Sangre).
Inspiré, en partie, de la vie de son acteur principal, ce premier film raconte l’histoire d’un homme emmuré : larbin indigène au service d’une vieille dame riche, Beto garde et entretient, depuis près de quinze ans, une luxueuse demeure, à Mexico. Il ne sort quasiment jamais. Sa vie sociale est inexistante. Seuls liens avec l’extérieur : son écran de télévision, où se déverse chaque soir la violence du monde, et une amie prostituée, qui passe le voir une fois par semaine. Un jour, la maison est vendue et l’« indio » doit quitter les lieux…
Longs plans-séquences. Dialogues rarissimes. Porté par une austérité dont on finit par apprécier le tempo (lancinant), Enrique Rivero bâtit un récit constamment chevillé au corps de son antihéros. En filmant les tâches et les gestes répétitifs de Beto – des rituels quotidiens -, il nous donne accès à son espace protégé : une bulle de silence et de monotonie dans le chaos frénétique et incertain de Mexico. Le réalisateur joue sur le contraste entre l’atmosphère lugubre de la maison et l’ambiance survoltée de la ville, mais aussi, plus discrètement, sur un autre rapport de force. Celui, omniprésent dans la société mexicaine, qui oppose les Blancs aux Indigènes, abonnés aux métiers les plus ingrats. Derrière le respect que Beto et sa vieille maîtresse se témoignent persiste un infranchissable fossé…
Le dénouement, surprenant, fait basculer le film dans la farce macabre. Un final dérangeant pour une réflexion sur la servitude sociale et l’enfermement volontaire.
Mathilde Blottière
Les inrockuptibles
Ce film a remporté en 2008 la Montgolfière d’or du Festival des 3 Continents de Nantes et le Léopard d’or de Locarno et, sans préjuger de ce que valait la concurrence, c’est justice. Parque vía est excellent, dans un de ces registres minimalistes qui en disent pourtant beaucoup. On y suit le quotidien de Beto (Nolberto Coria dans son propre rôle), gardien résident d’une villa des beaux quartiers de Mexico, inhabitée par sa propriétaire. Parque vía est d’abord une plongée dans une bâtisse vide, quasi désertée par la vie et la présence humaine, à l’écart du monde et de son tumulte, évoquant certains films de Lisandro Alonso ou le Shining de Kubrick. C’est ensuite une étude précise d’un quotidien banal, dépourvu d’aspérités ou d’événements particuliers, rythmé par des gestes basiques et des rituels répétitifs : se lever, pisser, boire son café, faire le ménage, regarder
vaguement la télé, coucher parfois avec une amie prostituée, se laver les
dents, se coucher.
Sous la loupe d’une caméra attentive, la vie quotidienne la plus solitaire et la plus morne prend une allure étrange, mystérieuse, à la lisière du fantastique, et génère une sorte d’infra suspense ténu mais réel. On pense là au Jeanne Dielman de Chantal Akerman. Face à un quotidien aussi dénudé, mettant en pleine lumière certains gestes universels que, par la force de l’habitude, nous ne remarquons plus, chaque spectateur est renvoyé au noyau dur de son humaine condition : que fait-on ici-bas ? de quoi sont tissées nos vies ? à quoi tout cela rime ?
Mais Enrique Rivero ne se contente pas de ce comportementalisme radical. Beto sort parfois en ville, croise d’autres gens. Certaines infos sur lui et sa vie sont distillées au compte-gouttes. Beto appartient à la minorité indienne, coincée au sous-sol de l’ascenseur social. Sa patronne propriétaire cherche à vendre son bien immobilier, ce qui pourrait envoyer Beto au chômage et à la rue. Beto incarne les millions de vies au rabais de notre époque ou de toutes époques. Vers la fin du film, il y aura un événement notable, à la fois inattendu et prévisible, et dont la nature exacte sera incertaine. Le cours de l’existence de Beto en sera transformé – ou pas tant que ça d’ailleurs, le sens du film restant ouvert jusqu’au bout.
Paradoxalement captivant, formellement tenu et cohérent, Parque vía est de ces films laconiques, dénués d’emphase, qui posent plus de questions qu’ils ne donnent de réponses. Une façon interrogative, perméable au mystère du monde, d’envisager le cinéma, qui n’est peut-être pas la plus populaire mais demeure essentielle, nécessaire. Bienvenue à Enrique Rivero dans le club des cinéastes à suivre.
Serge Kaganski
DVDRAMA
Film sobre mais traversé par une très grande force, Parque via suit un homme seul qui refuse d’affronter le monde qui l’entoure. Magistralement mis en scène et interprété, une très grande surprise.