
Caractéristiques
- réalisateur : Jose Luis Valle
- année de production : 2013
- date de sortie : 30 octobre 2013
- durée : 120 minutes
- pays : Mexique / Allemagne
- N° de visa : 138 329
- festivals : Festival de Biarritz 2013 Grand Prix – FIFIGRO Toulouse Grand prix 2013 – Festival de Berlin 2013 Panorama
Synopsis
Rafael et Lidia ont été en couple autrefois, et bien qu’ils ne se soient pas revus depuis des années, leurs vies demeurent intimement liées par la monotonie hypnotique de leur travail et par le souvenir de leur enfant disparu. Rafael occupe un emploi de balayeur depuis 30 ans dans la même fabrique d’ampoules électriques. A la veille de prendre sa retraite, il apprend que son patron ne lui versera aucune pension car il est immigrant non déclaré… De son côté, Lidia fait partie des sept employés qui entourent et soignent une vieille mexicaine fortunée qui n’a d’yeux que pour son chien.
Revue de presse
Première
« Il faut se méfier de l’eau qui dort » pourrait être l’accroche de Workers. Si le film débute par l’observation de deux travailleurs pauvres mexicains, il prend peu à peu un virage saugrenu et profondément humaniste afin de nous raconter une nouvelle lutte des classes. Drôle et touchant, ce deuxième long métrage de Jose Luis Valle, au rythme particulièrement lent et aux plans fixes prolongés, nous rend attentifs aux détails car c’est en eux que résident la véritable subversion, mais aussi l’émotion.
Perrine Quennesson
Studio Ciné Live
Une mise en scène de miniaturiste d’où jaillit, sans crier gare, un humour salvateur et goguenard
Ce sont des vies minuscules qui suffoquent à pas lents dans la grisaille d’un boulot de misère, dociles et besogneuses, sous les cieux trop bleus de Tijuana. Un vieux balayeur dans une usine d’ampoules électriques, une domestique plus très jeune au service d’une rombière fortunée. Des êtres ténus qui, un jour, se mutinent, à leur façon. Discrète et rouée. Jubilatoire, par la grâce d’une mise en scène de miniaturiste d’où jaillit, sans crier gare, un humour salvateur et goguenard. D’où sourd l’âme d’une ville, de crasse et de splendeur vêtue.
Libération
Workers est le récit hypnotique de deux personnages arrivés, fourbus, au terme de leur vie professionnelle. Lui est agent de nettoyage dans une usine d’ampoules, elle est domestique auprès d’une vieille millionnaire à demi-folle en adoration pour un atroce cabot. Le film raconte, par touches minuscules, la non-existence de ces deux esclaves modernes, coincés à perpétuité dans leur condition, et qui furent jadis un couple jeune, beau et plein d’espoirs. Si José Luis Valle prend un peu trop son temps, il livre ici une critique sociale d’autant plus corrosive qu’elle s’accompagne de fulgurances comiques aussi hilarantes qu’inattendues.
Télérama
Le jeune réalisateur débutant semble, d’abord, faire preuve d’une maîtrise formelle qui impressionne. Un peu froid ? La chaleur est en dessous. A travers des plans fixes rigoureusement cadrés, José Luis Valle nous parle de la condition de ses personnages, des travailleurs mexicains prisonniers d’un monde de contraintes. Rafael a passé sa vie à nettoyer une usine d’ampoules électriques, et Lidia a usé la sienne à servir une milliardaire. Quand cette dernière meurt, elle lègue sa fortune à Princesse, sa chienne lévrier, et Lidia continue à servir. Jusqu’à l’absurde.
La rigueur de la mise en scène ne vise, en fait, qu’à faire monter la tension dans ces existences figées. Et à révéler, peu à peu, un humour pince-sans-rire, voire mordant. Le réalisateur en appelle à la sauvagerie pour lutter contre la sauvagerie d’un monde où tout est permis. Ce que la richissime Princesse finira par découvrir à ses dépens. Workers est une sorte d’Indignez-vous ! distancié et drôle. Réplique d’une jeune femme qui tient boutique de tatouages à Tijuana : « Un jour, un homme est venu se faire tatouer le mot Dieu. Et il est parti sans payer. »
Frédéric Strauss
La Croix
Workers », froide révolte de travailleurs.
Ce premier film, à l’esthétique très léchée, évoque le sursaut de deux employés modèles, dans un monde cynique et déshumanisé
Prix du meilleur film mexicain de l’année au festival de Guadalajara, présenté dans la section Panorama à Berlin en février dernier, Workers évoque les parcours parallèles d’un homme et d’une femme qui furent mariés, avant de se séparer à la suite du décès accidentel de leur enfant en bas âge. Rafael occupe depuis 30 ans un poste de balayeur dans une usine de fabrication d’ampoules électriques et s’acquitte de sa tache avec une application inégalable. Lidia est, depuis plus longtemps encore, au service d’une richissime veuve qui considère sa chienne comme sa fille. Leurs vies basculent lorsque deux événements inattendus se produisent. Le jour de sa retraite, Rafael est informé qu’il ne percevra aucune pension : immigrant, il n’a pas été déclaré comme travailleur légal. On lui permet en revanche de rester dans l’entreprise, comme avant. À la mort de leur patronne, Lidia et les autres serviteurs, apprennent que tout continue à l’identique?: la fortune a été léguée au lévrier, au service duquel tous restent affectés. En dépit de leur amour commun pour le travail bien fait, de l’honnêteté et du respect qui les animent, Rafael et Lidia sont rattrapés par de sentiments contradictoires. L’heure de l’affranchissement n’a-t-elle pas sonné??
Servi par l’interprétation de José Padilla et de Susana Salaza, Workers frappe d’abord par l’impact de ses images extrêmement léchées, dans des univers sans âme mais rutilants de propreté. La mise en scène, extrêmement précise, fait la part belle aux mouvements de caméra discrets mais très étudiés, aux plans fixes, qui impriment un rythme lent à cette oeuvre visuellement fascinante.
Ces prouesses formelles accompagnent un humour froid qui décuple la force du message. Métaphore d’un monde très inégalitaire, Workers illustre avec un oeil neuf la question toujours très actuelle de la lutte des classes, une lutte sourde, sans cri ni fracas, face à la violence d’un monde déshumanisé.
ARNAUD SCHWARTZ