Caractéristiques
- réalisateur : Antonio Méndez Esparza
- année de production : 2012
- date de sortie : 13 février 2013
- durée : 110 minutes
- pays : Espagne / USA / Mexique
- festivals : Semaine de la Critique Cannes 2012 Grand Prix – Festival de Mumbai 2012 Meilleur film – Festival de Montréal 2012 Louve d’Or.
Synopsis
Après avoir travaillé aux États Unis, Pedro revient dans son petit village dans les montagnes du Guerrero, au Mexique. Il y retrouve sa femme et ses filles. Avec ses économies accumulées, il aspire enfin à mener une vie meilleure avec les siens, et même à réaliser son rêve : former un petit groupe de musique, les Copa Kings.
Mais les opportunités de travail sont rares et la frontière entre ici et là-bas ne cesse d’occuper l’esprit et le quotidien de Pedro et de ceux qui l’entourent.
Revue de presse
Critikat.com
Fort d’un honorable succès en festivals, le premier film d’Antonio Méndez Esparza arrive sur nos écrans et fait montre d’une belle intelligence. Le sujet de l’immigration latino-américaine y dépasse ses tics de forme : avec une douce distance, sans violence, Ici et làbas livre une vision réfléchie et humaine de ces flux migratoires, puissamment habitée par son talentueux casting.
Montagnes de la Sierra Madre del Sur, au Mexique. Une petite ville, loin des cicatrices douloureuses de la frontière américaine. Pedro rentre des États-Unis où il a travaillé quelque temps pour économiser, et aspire à couler désormais des jours paisibles, en compagnie de son épouse Teresa et de ses filles, Lorena et Heidi, qui sont toutes trois restées « ici » pendant que lui était « là-bas ». Il réforme son groupe, les Copa Kings. Teresa est enceinte. Malgré les relatives difficultés financières, les perspectives semblent bonnes, et la vie passe sous un soleil lourd, comme un long après-midi. Ici et là-bas est un peu alangui, endormi dans la fatigue estivale. Il nous rappelle presque Ce cher mois d’août avec cette terre qui semble loin de tout, une retraite aride mais doucereuse où la vie a tout d’un bal provincial. Comme dans le film de Miguel Gomes, le rythme est un enchaînement de séquences-tableaux, au montage minimal, peu préoccupées du hors-champ. Cela pourrait durer toujours – néanmoins il s’agira bien là de désenchanter cette illusion.
Estampillé de ce curieux label qu’est l’approche « presque » documentaire, Antonio Méndez Esparza est effectivement un fanatique du naturalisme. Ici et là-bas brille par-dessus tout par la justesse de son jeu et de son écriture. L’extrême sensibilité des acteurs, et notamment des deux jeunes filles, compose des personnages saisissants de vraisemblance, touchants dans le moindre de leurs gestes. La patience du montage nous invite souvent à les observer longuement, écoutant leur père jouer de la guitare, se disputant dans leur chambre. Lorena Guadalupe Pantaleón Vázquez et Heidi Laura Solano Espinoza (rien que ça) livrent certainement à elles deux la plus délicate performance de jeunes acteurs de cette année, pleine d’une liberté très pudique, loin de l’agitation généreuse mais fébrile d’une Quvenzhané Wallis qui semble pourtant avoir déjà Hollywood à ses pieds.
Sur la durée, cependant, Ici et là-bas peut insinuer un sentiment d’immobilisme, à force de se placer dans les à-côtés, les petits riens, et surtout de ne jamais vraiment s’appesantir : les aléas financiers de la famille de Pedro passent et ne flétrissent jamais réellement la douce mélancolie du quotidien. Insidieusement, ces accrocs laissent peu à peu apparaître la fragilité de son équilibre. Surtout, cette nonchalance est le prix, certes apathique, du plus beau parti pris du film d’Antonio Méndez Esparza, qui est de se mettre à distance de la frontière qui sépare l’« ici » du « là-bas » : distance physique de l’État du Guerrero, une des provinces les plus méridionales du Mexique, loin des échanges électriques de la frontera ; distance mentale de cette existence que rien ne peut assiéger, à l’image de ce premier plan où Pedro grimpe les routes escarpées qui mènent à son village comme à une citadelle imprenable. Loin des plaies à vif, des bouleversements sociaux, Ici et là-bas fait un pas de côté et livre un discours bien plus humain que politique : c’est sa grande force.
Théo Ribeton
Les inrocks
Chronique lumineuse et sereine d’une modeste famille mexicaine. Comme dans certains grands films réalistes, la vie même des interprètes fournit ici une partie de la matière du récit. Ici et là-bas, chronique d’une famille dans un village du Mexique, est une transposition à peine fictionnée du quotidien des nonprofessionnels qui jouent (presque tous) leurs propres rôles, suivant le modèle initié par Robert Flaherty avec Nanouk l’Esquimau. Ou, plus près de nous, par Pedro Costa (avec Dans la chambre de Vanda notamment), dont Antonio Méndez Esparza est un grand admirateur.
Le film narre le retour au pays d’un homme qui a émigré aux États-Unis pour gagner sa vie. Il retrouve sa femme et ses filles et, tout en tentant de monter un orchestre de bal, effectue des petits boulots (agricoles ou sur des chantiers).
Rien d’extraordinaire en apparence dans ce film “sur l’émigration dans lequel on ne voit jamais le voyage”, selon le réalisateur. La beauté du film, antithèse de tout ce que l’on connaît du cinéma mexicain – il faut dire que le réalisateur est espagnol –, c’est-à-dire d’une douceur absolue, sans la moindre provocation morale, ni l’ombre d’un conflit, surgit au détour de chacun de ses plans minimalistes – comme les montées, filmées en plan large, vers la maison de la famille sur un chemin cimenté sinueux et escarpé. Mais la dramaturgie au sens traditionnel n’est pas absente. Par exemple lorsque la naissance de la troisième fille du couple bouleverse la vie de la famille ; le bébé, malade, est mis sous couveuse et doit être soigné ; le père, contraint d’acheter des médicaments onéreux qui grèvent son maigre budget, passe les nuits dehors, devant l’hôpital.
Il y a aussi le supplément d’âme qui élève le récit au-dessus du strict naturalisme : la musique omniprésente et le chant. D’abord avec la constitution d’un groupe, les Copa Kings, par le père, qui va recruter ses membres chez ses amis paysans, et qui donne ensuite des concerts. Ou les chansons d’amour que le père interprète devant sa famille, avec une part de timidité, qui donnent lieu à des jeux entre eux (il s’amuse à faire la manche avec ses femmes et ses filles).
Bref, au-delà de son aspect illustratif et documentaire très réussi, le film construit une microsaga familiale pleine de finesse et d’émotions retenues. Un cinéaste à suivre absolument.
Vincent Ostria
Télérama
Nombreux sont les films qui parlent d’immigration : comment passer des frontières verrouillées, comment survivre en terre hostile, étrangère. Plus rares sont ceux qui s’intéressent au voyage de retour. Pour son premier long métrage, le Mexicain Antonio Méndez Esparza aborde cette question avec délicatesse. Après des années de déracinement à New York, un père de famille se réadapte tant bien que mal à la vie dans son village perdu. Rien de démonstratif, d’ouvertement tragique, dans cette chronique sur la difficulté de subsister, autant « ici » que « là-bas ». Par petites touches discrètes, une mosaïque d’instants anodins ou douloureux, le réalisateur montre comment le héros renoue avec une épouse, mais aussi des filles qui ont grandi trop vite, qui le voient comme un étranger.
Dans ce village mexicain, que ses habitants ne rêvent que de quitter, tout, ou presque, est précaire. Un accouchement prématuré peut faire perdre les économies durement gagnées, une histoire d’amour tourne court parce qu’on ne peut pas imaginer l’avenir sur place. Même le petit orchestre local d’amis, ouvriers et paysans, peine à exister, parce que ses membres n’ont ni le temps, ni le confort financier de s’y consacrer. Le film coule, tranquille et limpide, en longs plans-séquences contemplatifs. Les personnages sont regardés avec justesse et douceur, toujours à distance respectueuse.
Cécile Mury
Studio Ciné Live
Délicate chronique familiale, aux accents naturalistes et aux cadrages somptueux, qui évite, en douceur, l’écueil du pathos.
Sandra Benedetti
Télé Ciné Obs
C’est une fiction qui aurait pu être un documentaire tant elle s’inspire avec un souci revendiqué d’authenticité de l’histoire vraie de son acteur principal. Le quotidien d’un jeune Mexicain de retour parmi les siens après avoir subvenu à leurs besoins aux Etats-Unis et qui choisit d’assouvir enfin ses rêves. Le jeune cinéaste espagnol, avec ce premier film magnifique, atteste d’une puissance tranquille de mise en scène (choix des cadres, espaces de jeu qui sont autant d’espaces de vie, temps d’exécution des séquences) à la fois intimiste, naturaliste et sociale.
Xavier Leherpeur
Le Nouvel Observateur
Le « là-bas » désigné par le titre du premier film d’Antonio Mendez Esparza ne sera pas montré. « Là-bas », ou si l’on préfère les Etats-Unis, New York plus précisément, où Pedro a trouvé à s’employer, en dernier lieu, c’était dans un supermarché. Le voici de retour « ici », autrement dit dans un petit village de montagne de la province de Guerrero, au Mexique.
Trois ans qu’il était parti, trois ans qu’il n’avait pas vu sa femme et ses deux filles, c’est toute une vie à reconstruire, une confiance à rétablir avec son épouse, des liens à renouer, des rêves à réaliser. Celui de Pedro est de gagner sa vie grâce à la musique, pour l’heure, il chante pour Teresa et les filles, et celles-ci n’essaient pas même de cacher que les chansons de leur père les font rire, tandis que Teresa, elle, veut y croire, ou du moins faire semblant. Pedro et Teresa interprètent leur propre rôle, à mi-chemin entre le documentaire et la fiction, les filles ne sont pas leurs enfants mais pas plus qu’eux elles ne sont comédiennes, l’histoire que raconte « Ici et là-bas » est une histoire vraie. Le réalisateur est espagnol, installé à New York, c’est là qu’il a rencontré Pedro. Quand celui-ci a décidé de repartir pour son village, ses rêves de musique en tête, il l’a suivi, le film est né ainsi, qui s’est constitué au fi l des jours, d’une scène écrite, ou plutôt esquissée, à un moment de vie attrapé, capté, servi brûlant. En attendant que les Copa Kings, le groupe qu’il a formé, lui offrent de gagner un peu d’argent, Pedro travaille sur des chantiers, mais un jour le rêve qui anime un lycéen danseur de passer, lui aussi, la frontière, provoque une nouvelle étincelle. Par l’attention qu’il porte aux personnages et à leur existence au quotidien, suite de scènes saisies dans leur durée, généralement non reliées entre elles, par le tempo imprimé tant par les images ensoleillées que par les dialogues et la musique, par la captation minutieuse de cet « ici et maintenant », le film ne réclame ni représentation du « là-bas », ni analyse politique, ni discours. De Pedro et Teresa de los Santos, de tous ceux qui gravitent autour d’eux, « Ici et là-bas » fait des personnages qui ne cessent jamais d’être des personnes, c’est très beau.
Pascal Merigeau
Télérama
Nombreux sont les films qui parlent d’immigration : comment passer des frontières verrouillées, comment survivre en terre hostile, étrangère. Plus rares sont ceux qui s’intéressent au voyage de retour. Pour son premier long métrage, le Mexicain Antonio Méndez Esparza aborde cette question avec délicatesse. Après des années de déracinement à New York, un père de famille se réadapte tant bien que mal à la vie dans son village perdu. Rien de démonstratif, d’ouvertement tragique, dans cette chronique sur la difficulté de subsister, autant « ici » que « là-bas ». Par petites touches discrètes, une mosaïque d’instants anodins ou douloureux, le réalisateur montre comment le héros renoue avec une épouse, mais aussi des filles qui ont grandi trop vite, qui le voient comme un étranger.
Dans ce village mexicain, que ses habitants ne rêvent que de quitter, tout, ou presque, est précaire. Un accouchement prématuré peut faire perdre les économies durement gagnées, une histoire d’amour tourne court parce qu’on ne peut pas imaginer l’avenir sur place. Même le petit orchestre local d’amis, ouvriers et paysans, peine à exister, parce que ses membres n’ont ni le temps, ni le confort financier de s’y consacrer. Le film coule, tranquille et limpide, en longs plans-séquences contemplatifs. Les personnages sont regardés avec justesse et douceur, toujours à distance respectueuse.
Cécile Mury